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Éducation et volonté politique.

   Selon Marx, la plus-value est créée uniquement par le travailleur., son goût pour la polémique, son besoin d’avoir un ennemi à combattre, ont perverti sa perspicacité. Il n’a pas voulu voir que seule force de travail sans le capital et l’organisation était incapables de produire quoique ce soit. Les travailleurs, les capitalistes et les entrepreneurs sont les trois acteurs qui se disputent les fruits de la croissance qu’ils produisent ensemble.
L’organisation, le capital et le travail sont les trois facteurs de production dont l’intérêt commun devrait les unir dans la cohérence et la solidarité. Jusqu’à ce jour, chacun de ces trois acteurs tire la couverture à soi. Dans cette lutte pour la répartition de la richesse produite, les financiers, grâce à la spéculation instantanée mondialisée ont acquis un pouvoir supérieur à celui des travailleurs et des entrepreneurs.  Comble de la réussite, il soumet, aujourd’hui, celui de la classe politique. Les détenteurs de ce pouvoir ne sont pas identifiables en la personne de quelques  personnes richissimes. Ils se répartissent en une foultitude de propriétaires qui vont du milliardaire au petit salarié qui a placé ses économies à la banque. Leur intérêt commun donne toute sa cohérence et sa puissance à un pouvoir de l’argent impersonnel. Une puissance qui se retourne contre les petits épargnants quand ils sont travailleurs. Les bas salaires, le chômage et les conditions de travail résultent le plus souvent de décisions  purement financières éloignées de la réalité économique et des intérêts sociaux, dans le seul dessein d’une accumulation forcenée.
Cette oligarchie financière n’est pas une fatalité. Elle se fonde sur des règles inventées par les hommes. Il ne tient qu’à eux de retrouver le sens et la finalité à donner à l’économie pour faire évoluer  les règles de la spéculation et de la répartition des richesses produites. La communauté d’intérêt entre les trois acteurs de l’économie est la condition nécessaire pour obtenir une cohérence et une efficacité pérennes.
Dans ce contexte, la vision des révolutionnaires n’a pas évolué. Elle repose toujours sur l’antagonisme exploiteur exploité qui nie dans sa formulation, l’apport de la valeur ajoutée de chacun des trois facteurs de production. La lutte contre l’exploiteur séduit à cause de la force du fantasme simpliste d’une vision manichéenne du monde. Parce que les entrepreneurs sont souvent soumis à la puissance financière, il résulte un amalgame entre les financiers et les entrepreneurs. Ces derniers sont ainsi désignés comme le bras armé de la puissance financière et considérés comme des ennemis. Les révoltés préfèrent lutter contre des hommes plutôt que contre une certaine organisation. Ils négligent le terrain politique dont dépendent en réalité les règles de l’économie. Ce refus d’une vision civilisée qui s’appuie sur des règles consensuelles pour faire évoluer la société conduit à considérer l’homme comme un ennemi. Dans le domaine économique, l’homme n’est qu’un acteur assujetti à des règles dont il profite tout naturellement. Ce ne sont pas les hommes qu’il faut combattre ou changer, mais les règles qui formatent leurs comportements. Et si des hommes défendent ces règles, ils le font en respectant des règles. La modification des règles dépend du pouvoir politique et non des financiers.
L’erreur des révolutionnaires en niant l’efficacité de la démocratie est d’utiliser, au nom de l’intérêt du peuple, des méthodes immorales. La pire est certainement la violence physique, mais la manipulation des foules n’en est pas moins dangereuse. Dans nos démocraties à la morale incertaine, les extrémistes ont investi des espaces où s’exerce leur pratique. On les repère sur les lieux de contestation. Ainsi, les piquets de grève expriment la volonté d’imposer par la force celle d’une minorité. Les AG étudiantes ainsi que celles des « collectifs » et des « coordinations » dont les votes à bulletins secrets sont refusés, sont des hauts lieux de la manipulation extrémiste. La volonté de ces groupes d’illuminés élitistes d’imposer leur vision politique trouve un terrain favorable chez les salariés déçus ainsi que chez les étudiants idéalistes et mal formés. La désespérance des extrémistes nourrit leur attirance vers le coup de force. Dans le cheminement de l’histoire, les actions révolutionnaires se sont toujours révélé être des fractures régressives. L’acceptation des règles et la capacité à les changer exigent des qualités que seule l’éducation peut développer en chacun des citoyens. Faute d’initiation aux valeurs de la morale de la vie, la société humaine néglige sa nature culturelle en se soumettant aux lois de la biologie fondée sur la compétition et la sélection selon Darwin. Cette compétition, accélérée sous la pression boursière, réduit l’activité humaine à une frénésie de production et de consommation sans autre finalité que la capitalisation financière. Les conditions de vie humaines et la pérennité de son espèce ne sont pas prises en compte dans cette mécanique infernale. Récemment, dans un sursaut de lucidité, le pouvoir politique a montré qu’il pouvait intervenir dans ce mouvement aveugle. Les décisions écologiques prises au niveau international ont entamé le pouvoir jusqu’alors sacré de l’idéologie libérale. La culture reprend un peu ses droits par l’application des lois de la morale de la vie.
Le sens que nous donnerons à notre vie tracera notre chemin. L’efficacité de cette volonté de donner un sens moral se mesurera au nombre d’individus pouvant l’exercer. Seule, la généralisation de l’éducation et l’enseignement de la morale de la vie permettra de créer une cohérence massive dans les comportements humains. Il sera alors possible de trouver un consensus sur de nouvelles règles internationales. La volonté politique de chaque nation composant l’Europe donnera à celle-ci une influence capable de faire plier toute résistance. L’enjeu n’est pas mince. Il est celui de la maîtrise  par l’homme de son propre destin.



Redéfinition de la rémunération

   Voici une hypothèse du genre de celles que nous devons imaginer et vérifier afin de faire évoluer l’économie libérale. L’idée est de réduire le pouvoir des financiers en le transférant aux élus politiques, de libérer les entrepreneurs de contraintes contradictoires, de réduire le chômage sans pour autant entrer en contradiction avec les principes de fonctionnement du moteur libéral. Cette hypothèse repose sur une redéfinition de la rémunération.
Actuellement, dans les pays développés, les salaires trop élevés excluent définitivement du marché du travail les travailleurs dont la valeur ajoutée commerciale est insuffisante. Le coût social et économique exorbitant de cette exclusion pourrait être réduit en redéfinissant la rémunération.
Dans la compétition internationale, le coût du travail élevé a pour corollaire un chômage élevé. Les petites et moyennes entreprises disposent souvent  d’une trésorerie insuffisante pour risquer d’embaucher du personnel en vue de leur développement. Le temps très coûteux souvent de plusieurs mois pour confirmer une qualification  incertaine rend l’investissement trop aléatoire. Le coût du travail élevé freine la croissance des entreprises qui par leur prudence à l’embauche renforce le chômage. De plus, la difficulté d’amortir des embauches à faible productivité, conduit les entreprises à se passer de personnels peu formés mais coûteux qui constituent des chômeurs sans espoir de travail.
Aujourd’hui le travail est rémunéré par un salaire fixé par le marché du travail justifié par la valeur ajoutée à la production de l’entreprise. Dans cette définition de la rémunération, la valeur ajouté sociale n’est pas prise en compte bien qu’elle profite à toute la société ainsi qu’aux entreprises. Lorsqu’un chômeur est embauché. Il devient un acteur actif et responsable dans la société aussi bien dans le domaine économique que social. À sa fonction de producteur s’ajoute celui de consommateur. Sa participation à des activités bénévoles et à la vie sociale contribue au bon fonctionnement de la société. Le salarié renforce la cohésion sociale par l’équilibre que lui apporte son rôle utile dans la société. Sa vie extraprofessionnelle participe à la bonne marche du pays. De plus, le travailleur est un agent économique qui fait économiser beaucoup d’argent à la société par les dépenses d’assistance, de sécurité et de santé qui ne sont plus nécessaires. Au contraire, un chômeur déprimé, affaiblit l’entourage par son rayonnement dépressif et sa survie dans l’inactivité présente un coût social important, sans compter sur les effets néfastes de l’économie souterraine due au travail au noir et aux trafics en tout genre auxquels certains s’adonnent pour survivre. Le chômage dans certains quartiers augmente l’insécurité en même temps que les investissements engagés pour l’enrayer.
Il est injuste que la rémunération de la valeur ajoutée sociale du travail d’un travailleur soit entièrement à la seule charge de l’entreprise qui l’emploie. Le  bénéfice social du travail profite à tous. La répartition de son coût mérite d’être partagé. Les entreprises à la production robotisée qui emploient un effectif réduit de salariés sont aussi bénéficiaires d’un environnement culturel et sociale paisible. Il appartient donc à la société de répartir une partie du coût du travail sur l’ensemble des personnes physiques et morales imposables en la fiscalisant par simple justice du fait du profit partagé. Cette mutualisation allégerait le coût du travail pour les entreprises sans réduire la rémunération des travailleurs. La redistribution d’une partie des dividendes nationaux en complément du salaire apparaîtrait comme une solution équitable et judicieuse. La contribution des entreprises serait moins douloureuse puisqu’elle interviendrait après la réalisation du profit par ponction sur les dividendes ou le prélèvement d’une taxe sur la vente des services et des produits.  La majeure partie de l’argent de l’assistance serait ainsi employée à réduire le coût du travail plutôt que de participer à la survie de chômeurs inactifs et malheureux. Les jeunes salariés sans expériences seraient plus facilement embauché pour suivre une formation moins coûteuse et les seniors seraient gardés dans les entreprises parce que leur coûts salarial deviendrait raisonnable. 
Avec cette redéfinition de la rémunération, le gouvernement, à son poste de commande, disposerait de deux manettes aux fonctions biens définies.
La fixation du salaire minimum versé par les entreprises agirait sur le niveau de l’emploi. Plus le niveau des salaires serait faible, plus l’embauche serait facilitée.
La fixation du complément de salaire social agirait sur le niveau de l’inflation.
Par ailleurs, la démocratie s’en trouverait renforcée. La maîtrise de la répartition de la richesse produite serait entre les mains du peuple par l’intermédiaire de ses élus.
Avec la perception d’un profit partagé, la réussite de l’économie du pays ne réjouirait plus seulement les actionnaires. Les salariés assis à la table du profit comprendraient mieux et accepteraient plus facilement les stratégies de redéploiement des groupes industriels.
Cette redéfinition de la rémunération aurait pour effet de préserver l’autonomie des trois acteurs de la  production tout en maintenant une convergence d’intérêt. Elle faciliterait une meilleure répartition de la richesse produite, sans nuire à la liberté indispensable au fonctionnement de l’autorégulation. C’est une hypothèse qui reste à être vérifié en première approche par des simulations informatiques.



Réduction du coût du travail

   Si la réduction du coût du travail est un facteur déterminant sur le niveau de l’emploi. Il serait possible d’amplifier cette réduction en fiscalisant aussi les charges salariales. Au lieu de les faire payer par les entreprises avant même que le travail n’ait produit du profit, il serait probablement plus judicieux et plus productif qu’elles le soient à la réalisation du profit, au moment de la commercialisation. En incluant ces charges dans le prix de vente sous la forme d’une taxe qui serait égale pour tous ou par secteur d’activité, les contraintes pesant sur la trésorerie des entreprises seraient proportionnelles à l’activité. L’embauche constituerait un risque réduit. La réduction du coût du travail et l’amélioration de la trésorerie contribueraient à la vitalité des entreprises et à la baisse du chômage.
Les décisions pour faire évoluer le moteur économique doivent procéder d’une inspiration dégagée de toute empreinte idéologique. Identifier les vrais fondamentaux du moteur économique et faire évoluer son fonctionnement sans nuire à sa performance, tel est l’enjeu des politiques économiques et sociales de nos gouvernements. Le sens de cet effort d’évolution irait dans celui de la morale de la vie car le projet fondamental de l’activité économique est de protéger chaque membre de la société.



Symptômes

   L’absence d’éducation prédispose à lutter contre les symptômes plutôt que les vrais problèmes.
La France est certainement un modèle du genre. Dans ce pays si cartésien, les grands problèmes sont traités par leurs symptômes. La population, peu éduquée, indisciplinée, confondant l’autoritarisme avec l’autorité contraint les responsables politiques à agir sur les symptômes plutôt que sur les vrais problèmes.
Ainsi, toutes les mesures de gestion visant à réduire le chômage se sont révélées infructueuses car le chômage n’est en réalité que le symptôme d’un problème idéologique. Or la population ne semble pas avoir la maturité pour se prononcer en faveur ou contre le système économique actuel. Faute d’adhésion au principe de fonctionnement de notre système économique, aucune réflexion sur des réformes structurelles n’est envisageable.
L’insécurité est aussi un symptôme, celui de l’absence de la morale dans l’éducation et l’enseignement. On peut prédire une aggravation de l’insécurité et la dérive de la société vers une société policière si l’élite intellectuelle refuse cette éducation.
Enfin, la difficulté d’adaptation de la société française à la mondialisation est le symptôme du mauvais fonctionnement de la démocratie. La démocratie pour fonctionner efficacement, exige des citoyens civilisés. Sans éducation, les citoyens peinent à se soumettre aux contraintes des réformes et leurs comportements tribaux s’affirment par des contre-pouvoirs dont l’influence tient davantage à leur capacité de nuisance que par celle de provoquer l’innovation.
Les contre-pouvoirs en confondant démocratie représentative et démocratie populaire enrayent le fonctionnement des institutions politiques. L’origine de cette pratique dévoyée est à chercher dans l’histoire de France. Le siècle des lumières a mis en valeur les grands principes des droits de l’homme. Les Français ont vécu sur la rente de cette fierté nationale en gardien du temple. Au XIXème siècle, leur idéalisme les a rendus perméables aux influences délétères du marxisme et du communisme. Le concept de dictature du prolétariat a permis la substitution dans l’esprit de nombreux citoyens de la démocratie représentative par la démocratie populaire. L’idée que la voix de la rue est plus légitime que celles des représentants reste persistante dans la pratique de la contestation. Elle est renforcée par l’influence de la morale de l’argent qui invite à préférer le rapport de force au rapport d’intérêt, à légitimer l’individualisme ou le corporatisme plutôt que l’intérêt général. Cette influence se fonde sur une morale qui se veut  naturelle en s’appuyant sur la sélection darwinienne pour faire évoluer la société. L’absence d’éducation réduit le champ de conscience du citoyen qui se replie sur lui-même et défend ses privilèges ou la tradition comme le loup sa tanière.
La morale de l’argent encadre les activités humaines. Les citoyens sous cette emprise son incapable de la renier, faute de perspectives nouvelles que pourrait leur donner une ouverture d’esprit dû à une bonne éducation. Or lutter contre les nuisances de la culture de l’argent sans renier sa morale revient à combattre les méfaits des symptômes sans toucher aux vrais problèmes.



Évolution et révolution

   Les injustices économiques et sociales, de tout temps, ont suscité des vocations de théoriciens rêvant à une société plus juste. Certains d’entre eux partageaient la conviction que la révolution était la seule voie possible du changement. Leur stratégie révolutionnaire considérait que la construction d’un ordre nouveau devait s’édifier sur les ruines de l’ancienne société.
L’échec des révolutions s’explique par une mauvaise appréciation de la réalité culturelle. Les révolutionnaires ont toujours eu de la société une vision mécaniste fondée sur le rapport de force en omettant l’importance de la complexité de l’organisation humaine aussi complexe que celle de la biologie. Ils ne tenaient pas compte de l’inertie culturelle.
Une organisation économique et sociale ne fonctionne pas seulement avec ses règles et une police qui veille à leur application. Elle est d’abord constituée d’individus dont la culture leur donne des caractéristiques fonctionnelles spécifiques constitutives de la société. À l’instar des pierres d’une cathédrale, les individus par leurs valeurs morales sont formatés pour construire des types spécifiques de sociétés. Ils ne peuvent assimiler que les règles dont le sens s’inscrit dans l’espace délimité par leurs valeurs. Toute tentative d’invention de règles ou de réformes trop innovantes ou trop éloignées des us et coutumes est vouée à l’échec faute d’individus en mesure de les assimiler et de les appliquer.
Les valeurs stabilisent les sociétés dans le temps. Leur force d’agrégation sociale s’observe dans leur capacité à sceller les groupes et à les rendre difficilement perméables à leur mélange. Quand ces valeurs sont très différentes de celles de la morale de la vie, ces sociétés, fermées aux influences extérieures, souffrent d’une incapacité à évoluer du fait de la rigidité de leur tradition.
Cette inertie culturelle est aussi très visible dans le cas des révolutions pacifiques que nous connaissons aujourd’hui. Une organisation spontanée qui se dit révolutionnaire reflète en réalité un espoir d’une nouvelle organisation sans que les valeurs de la culture de sa population soient changées. On a constaté ce phénomène lors des révolutions libérales des anciennes républiques communistes. Ces révolutions ont toujours déçu dans les premières années. Après l’instauration de la démocratie, ces pays sont restés communistes dans leur esprit avec une organisation et une administration bétonnée dans des valeurs et des mentalités qu’aucune révolution ne saurait affecter sur une courte période.
Il est intéressant à noter l’heureuse influence des valeurs du libéralisme qui s’exerce en dehors d’un système éducatif sur les sociétés en retard d’évolution culturelle. L’application du libéralisme favorise l’assimilation de valeurs qui ne sont pas toutes nuisibles parce qu’elles appartiennent à la déclaration universelle des droits de l’homme. Ces sociétés se rapprochent ainsi doucement de celle de la morale de la vie.
Un désir de changement réaliste n’est concevable que dans un processus évolutionnaire. Le temps dans la culture humaine comme dans la culture agricole est un facteur incontournable. Il y a le temps du labour, des semailles, de la pousse et de la récolte. La complexité de l’évolution biologique de la graine à la plante finale est à l’image de la complexité de l’évolution culturelle. L’intégration des valeurs n’est réellement possible que dans l’enfance tandis que les effets de l’éducation ne se concrétisent qu’à l’âge adulte. Dans les sociétés humaines, les évolutions brutales n’ont jamais produit les résultats escomptés.
À l’éducation empirique libérale, nous devons substituer une éducation et un enseignement rationnel et volontariste. La maîtrise de l’évolution est conditionnée par la capacité à transmettre des valeurs au plus proche de celle de la morale de la vie. Cette transmission se réalise essentiellement par trois canaux : la famille, l’éducation nationale et les médias, chacun d’eux, obéissant à une stratégie pédagogique propre à son type d’influence. La cohérence de leur influence par l’unique fondement de leur action garantira l’efficacité du changement. Une bonne éducation améliore la capacité d’adaptation grâce au conditionnement à la réactivité et à la flexibilité.



Le processus d’évolution

   La volonté de transformer la société ne peut s’exercer sur aucun projet concret et  défini sur le long terme car personne n’est en mesure d’imaginer la société de demain. L’évolution des sociétés aussi bien sur le plan économique, social et scientifique n’a jamais pu être prédite, malgré les efforts des futurologues.
En l’absence de direction précise et faute de projet de société, impossible à définir concrètement, ce sont les valeurs qui orientent la société. Le respect constant des valeurs établit naturellement une cohérence à l’action qui n’a pas besoin de visualiser la cible pour l’atteindre. Les valeurs sont définies en effet par les qualités qui contribuent le mieux à atteindre l’objectif qui est le respect de la vie par sa protection et son épanouissement. La morale de la vie fonctionne comme un gouvernail associé à une boussole. Ils font traverser les océans sans visibilité vers la destination espérée.
Si l’on prend l’exemple de la voiture actuelle, on constate qu’elle n’a plus rien de commun avec la charrette d’autrefois sur laquelle on avait placé le moteur qu’on venait d’inventer. À cette époque, personne n’aurait imaginé l’apparence moderne des descendants de cette charrette et pour cause, son existence actuelle n’est pas le fruit d’un projet défini au départ, mais celui d’un idéal. Elle est le résultat d’une volonté de se déplacer notamment dans la sécurité et le confort. L’effort inventif mené dans tous les domaines en respectant ces valeurs a concrétisé au cours des ans l’automobile actuelle. Les progrès constants stimulés par la concurrence dans l’application de valeurs spécifiques ont conduit l’évolution de l’automobile vers un idéal dans une conception imprévisible, aussi imprévisible que les découvertes scientifiques et les innovations successives appliquées à sa réalisation.
La société répond aux mêmes processus évolutifs. L’organisation d’une société future n’est pas prévisible.  En revanche, les valeurs qui participent à sa  construction, en donnant un sens à son fonctionnement et une cohérence à ses activités, sont parfaitement définissables. Leur choix, leur respect et leur transmission déterminent la maîtrise du destin des sociétés.
L’adhésion à un idéal commun entraîne la société dans une dynamique de création culturelle permanente du fait des adaptations successives. Cette créativité a écrit l’histoire humaniste de l’Europe. Des bûchers de sorcières, en passant par l’esclavage jusqu’aux droits de l’homme, l’évolution culturelle volontariste a amélioré les conditions de vie.
Cette attitude volontariste s’oppose à celle du libéralisme sauvage qui considère que la culture et la morale doivent fonctionner suivant les mêmes règles de liberté et de concurrence que celles du marché. Dans ce jeu, les dés sont pipés. En l’absence d’une éducation volontaire, l’économie à travers les médias, et le prosélytisme des sectes puissantes sont les influences dominantes qui formatent la population. C’est ainsi que les valeurs de la morale de l’argent se substituent à celles des morales humanistes dans la discrétion de l’hypocrisie générale.
L’évolution de la culture n’est possible que dans une société souple et pragmatique qui attache à l’éducation morale une importance vitale. L’expérimentation encadrée par l’éducation est la méthode naturelle et efficace à adopter par ceux qui préfèrent, à l’utopie brutale de la révolution, l’innovation réaliste dans le respect des valeurs de la Morale de la vie.



La responsabilité

   Une Culture ne se décrète pas.
Dans le projet d’une maîtrise de la culture, l’enseignement et l’éducation de la morale sont la pierre angulaire de l’édifice social. Ils préparent le terreau dans lequel les racines de la culture se nourrissent. Mais le développement d’une nouvelle culture n’est réalisable qu’avec la participation de tous les membres de la société. Cette participation va au-delà du comportement exemplaire souhaitable à cause de son effet éducatif. Elle est aussi une implication de tous dans l’action créatrice.
Entre les besoins et les limites morales de leur satisfaction, il existe un espace de liberté où la créativité peut s’exercer quotidiennement. Que ce soit dans les relations interpersonnelles, dans les activités de production, de loisirs ou d’organisation, l’imagination de chacun peut contribuer à faire évoluer la tradition pour que son sens s’oriente au mieux vers le fondement de la morale.
Dans ce processus évolutif, les penseurs ne sont pas les seuls acteurs du changement. Chaque membre, à son niveau de responsabilité, peut participer au plaisir collectif de l’aventure culturelle. Chacun avec son génie créatif peut apporter de la valeur morale ajoutée aux pratiques quotidiennes individuelles et collectives. En donnant à chaque geste, chaque pensée, chaque œuvre le sens ultime de la protection de la vie, le citoyen participe à la création de traditions et contribue ainsi à l’évolution culturelle de sa société. Chaque membre d’une société démocratique dispose ainsi d’un pouvoir personnel d’influencer cette évolution.
À cette créativité populaire dans l’art de vivre, celle des spécialistes, notamment ceux dont la compétence concerne l’économie et la finance, est aussi essentielle aujourd’hui en vue d’une évolution culturelle. La compétition entre la morale de l’argent et celle de la vie restera très vive tant que les règles internationales du libéralisme couronneront l’argent maître du jeu. Il revient donc aux spécialistes de faire des propositions afin de réduire le pouvoir aveugle de la finance. L’invention de nouvelles règles régissant la spéculation boursière pourrait certainement entamer ce pouvoir. Elles rééquilibreraient le pouvoir des financiers au profit du pouvoir moral des élus politiques et des chefs d’entreprises. Aujourd’hui le pouvoir de ces responsables est presque  totalement exclu du jeu économique dont les règles imposées par le pouvoir de l’argent ne supportent pas la contradiction.
Une évolution des règles démocratiques est indispensable pour que le citoyen à travers ses élus retrouve un pouvoir usurpé. Il restera aux élus à l’exercer dans la cohérence. Rien dans une culture ne peut être laissé au hasard. Tous les types d’organisation, toutes les activités et toutes les productions en s’inscrivant dans une parfaite cohérence morale créent les conditions d’une société dynamique, productive, créative et attractive, qui avance sur le chemin du progrès. Si la culture ne se décrète pas par des lois, elle reste néanmoins influençable par elles.
Les médias disposent d’un pouvoir d’influence pour moraliser la société. Cette responsabilité se fonde sur le sens même de leur existence puisque toutes les œuvres humaines n’ont qu’un but moral, celui de protéger l’homme et son espèce. Cette responsabilité doit s’exercer avec habilité par le plaisir. Une simple tendance morale soutenue dans le contenu éditorial, sans respecter une rigueur intransigeante peut contribuer à réorienter en douceur une société à la dérive. La satisfaction des attentes des clients parfois un peu douteuses est loin d’être une erreur si la résultante morale du média concourt à l’éducation populaire.
Avant l’avènement de la culture de l’argent, la force de la tradition l’emportait sur la pertinence des valeurs. La capacité créative des valeurs était étouffée par l’inertie de la tradition. Avec la culture de l’argent, une nouvelle tradition s’instaure tout aussi paralysante que l’ancienne.
La Morale de la vie, au contraire, favorise l’évolution de la culture aux dépens des mauvaises traditions. Elle redonne aux valeurs un pouvoir créateur partagé par tous les citoyens. À un niveau de responsabilité politique, économique, sociale et culturelle correspond une responsabilité équivalente dans l’évolution culturelle.
Le destin de la société ne sera pas déterminé par des hommes providentiels. C’est la participation de tous qui conduira la société vers de meilleurs horizons. Toute décision individuelle engage la société et avec elle, l’humanité tout entière



L’effet de masse
 
   Parallèlement à une stratégie pour une évolution nationale de fait limitée par la mondialisation, il conviendrait de mettre en œuvre une stratégie internationale en vue d’améliorer les règles de fonctionnement du moteur économique libéral.
Les résultats laborieux et peu significatifs eu égard aux moyens mis en œuvre par les organisations nationales et internationales  pour améliorer le sort des défavorisés démontrent la faillite d’une méthode d’évolution qui ne touche pas au fondement de la culture de l’argent.
L’enseignement et l’éducation de la Morale de la vie est la seule voie efficace pour conduire l’évolution de la culture de l’argent vers la Culture de la vie.
L’intériorisation de nouvelles valeurs produirait une nouvelle culture à l’exemple des grandes cultures qui ont marqué l’histoire. Elles ont émergé de vieilles cultures dans lesquelles une nouvelle philosophie réorientait le sens donné à la vie. La nouvelle morale s’est propagée par la séduction qu’elle a exercée. En gagnant des régions entières, l’effet de masse a multiplié son pouvoir de séduction. C’est la voie que nous devons suivre pour réformer le monde.
L’adoption des droits de l’homme a orienté l’humanité en direction de la culture de la vie. Les Etats Européens en s’organisant au sein d’une Europe unie sur des relations de rapports d’intérêt mutuel ont progressé dans cette voie en démontrant qu’il existait une autre voie que celle du rapport de force pour s’unir. Leur exemple est suivi avec attention par de nombreuses nations, dont certaines ont déjà exprimé leur attirance, séduites par l’espérance qu’exerce ce pôle. 
Toutefois, ce modèle qui repose jusqu’à ce jour essentiellement sur des intérêts économiques offrira un véritable renouveau culturel lorsque les Européens abandonneront l’empirisme de leur démarche. En adoptant officiellement la morale de la vie, ils disposeraient d’une rationalité capable de générer une nouvelle culture concurrente à celle de la culture de l’argent dont le charisme vient justement de sa rationalité.
    Ce nouveau modèle émergera dès lors que l’adhésion des citoyens au fondement de la morale de la vie légitimera les pouvoirs publics à introduire son enseignement à l’école et à exiger des nouveaux venus sur les territoires nationaux, leur adhésion sans réserve à ce fondement. Les prédicateurs, les sectes, les immigrés, les sociétés commerciales devraient prêter serment que la finalité de leurs activités respecte la vie humaine et les valeurs qui en découlent.
    Ce fondement enseigné dans toute la communauté Européenne donnerait un sens commun à toutes ses activités. Il engagerait sa culture vers une évolution pacifique dans la diversité. Ce projet culturel commun insufflerait à l’Europe l’âme qui lui fait défaut aujourd’hui.
L’adhésion unanime à la morale de la vie serait le début d’une grande aventure communautaire. La construction d’une nouvelle culture unirait les Européens dans un effort d’invention dans tous les domaines, qu’ils soient économiques, financiers, sociaux et culturels.
La dimension et le poids économiques de cette communauté produiraient un effet de masse dont l’attraction concurrencerait l’influence des pôles économiques partenaires dans ce jeu mondial. Cet effet donnerait aux propositions Européennes dont l’esprit serait de réduire les nuisances du libéralisme, un poids incontournable sur la scène internationale.
Cette nouvelle culture aurait pour conséquence indirecte de réduire les foyers de violence en privant les mouvements fanatiques des membres  indécis attirés par l’espérance que susciterait l’exemple européen.
En revanche, si l’Europe négligeait cette voie, l’Amérique ou d’autres régions pourraient se lancer dans cette compétition de leadership. Grâce aux atouts propres à leurs traditions, elles deviendraient les pôles culturels de demain à l’orientation morale incertaine. Alors l’Europe, terrain de luttes nationalistes, empêtrée dans ses divisions, entravée par la rigidité de son organisation, incapable de se positionner moralement dans un projet réaliste face au libéralisme sauvage, se satisfaisant de n’être qu’un supermarché sous l’influence de pôles culturelles plus dynamiques, poursuivant sa dérive culturelle, verrait un destin historique lui échapper.

 


Adaptation et révolte

L’adaptation est considérée par les évolutionnistes comme le facteur sélectif déterminant pour perdurer. Toutefois, si ce point de vue se vérifie dans la faune et la flore, l’espèce humaine semble échapper à cette loi générale.
L’adaptation dans la culture n’est pas un facteur systématique pour perdurer. À la différence des acteurs de la nature dont la durée est la conséquence de la sélection, l’acteur de la culture, l’homme, est maître de son destin et c’est sa détermination à voir sa vie et son espèce perdurer qui sélectionne les comportements adaptés et non l’inverses.
Aussi, l’adaptation passive, fataliste, joue dans la durée, contre les groupes humains qui s’y abandonnent. Dans une situation de déclin et d’impuissance, l’adaptation à la facilité est une pente savonneuse qui mène à la décadence. Quand le cercle vicieux du déclin emprisonne chacun d’entre nous dans une impuissance désespérée, quand la parole, les analyses et les exhortations n’ont plus d’effet, la révolte est le dernier recours.
La nature informationnelle de la culture nie l’efficacité de la violence comme instrument du changement. La violence est une alliée du déclin. La révolte tire son énergie du refus de l’inconcevable. Cette énergie est inefficace si elle alimente le maniement  des muscles ou des armes. Elle doit suralimenter le tempérament et la réflexion. Le révolté civilisé et pacifique avance tête baissée dans la jungle des idées reçues, des préjugés, des pensées uniques, insensibles aux regards indifférents, moqueurs, méprisants, inquisiteurs, accusateurs, impitoyables, jaloux, ou assassins. Il progresse avec détermination à la recherche du sens perdu. Et quand il croit l’avoir trouvé, s’emploie à le partager, loin des feux et du sang de la violence.

 


L’ère sauvage

   Les savants ont divisé l’histoire de l’humanité en deux grands chapitres, la préhistoire et l’histoire. Cette division donnerait à penser que l’homme moderne, sorti de la préhistoire depuis quelques millénaires serait définitivement entré dans l’ère de l’homme accompli.
Cette division fait illusion car l’homme actuel ne se distingue guère de l’homme préhistorique, ni même de l’animal par sa façon d’assurer sa pérennité. Sa survie repose toujours sur le rapport de force et la violence qu’elle induit, même si ce fondement n’est pas celui de la civilisation.   
La complexité de l’organisation humaine dont dépend la diversité et la quantité des échanges est incompatible avec le désordre ainsi que la soumission à l’ordre sous la contrainte. Le rapport de force avec les injustices, les rancœurs, la violence, le gaspillage et la pollution qu’il entraîne, bloque l’évolution de la société humaine. Sans capacité d’adaptation aux conditions nouvelles, l’humanité emprunte le chemin de la déchéance.
L’homme, au de-là de toute hypothèse philosophique ou mystique, par les lois mêmes qui l’ont fait exister, est prédestiné par son organisation biologique sophistiquée à survivre à travers les millénaires. Il n’a pas d’autres choix s’il veut assurer la pérennité de son espèce que de se plier aux exigences de sa nature culturelle dans le prolongement de celles de sa nature biologique.
Tant que les relations humaines seront régies dans le rapport de force, comme dans le monde animal, l’espèce humaine ne sortira pas de l’ère sauvage. Le rapport de force le rend inapte à se perpétuer. L’ère sauvage pourrait se terminer avec la disparition de l’homme.
Le rapport de force est une loi qui régit la nature. Mais faire appel à cet argument pour l’appliquer à l’espèce humaine, c’est oublier sa spécificité cérébrale qui la distingue de la faune.
Chez l’animal, la survie dépend essentiellement de sa force ou de sa capacité à fuir. En revanche, chez l’homme, c’est son intelligence qui assure sa survie. Sa capacité à manier les idées et à les échanger est à l’origine de la connaissance scientifique et de ses applications qui ont amélioré son confort de vie et sa sécurité. La violence est inconciliable avec l’efficacité de l’intelligence. Elle paralyse les échanges d’information et détruit ses réseaux. Elle est le cancer de la culture.
Malheureusement, la culture de l’argent réhabilite le rapport de force. Elle valorise la puissance car elle est son atout principal dans la recherche du gain.
Le rapport de force déséquilibre les échanges entre les riches et les pauvres, qu’ils soient individus ou nations. Et même si le libéralisme permet aux pauvres d’aujourd’hui de devenir les riches de demain, le rapport de force structure la société en dominant et dominé, en exploiteur et exploité. La main d’œuvre bon marché est le carburant de cette organisation économique
L’écart de richesse valorise la violence qui devient la seule arme du pauvre pour lutter contre l’injustice d’une pauvreté imposée.
Faute de modèle, mise à part celui des utopies religieuses et des idéologies extrémistes, aucune organisation n’est crédible aujourd’hui pour canaliser le désir de changement. Le désarroi entraîne le monde dans la spirale de la frustration et de la violence individuelle.
L’alternative au rapport de force est le rapport d’intérêt car il garantit les meilleures conditions des échanges
L’équité rendue possible par la prise en compte des intérêts de chacun des partenaires favorise la paix dans les échanges. Celle-ci à son tour facilite l’écoute des autres dans la sérénité et renforce le plaisir de participer ensemble à la mutuelle protection qui devrait être la finalité de toutes les actions humaines.
Pour la morale de la vie, le rapport de force dans les relations humaines est un tabou. C’est le rôle de l’éducation que de l’introduire dans l’esprit des enfants dés leur plus jeune âge. C’est aussi son rôle pour ne pas les affaiblir dans la naïveté, que de leur apprendre à détecter la nature des relations afin de répondre aux situations dangereuses de façon appropriée. L’emploi de la force reste l’ultime moyen pour se défendre contre une attaque.
De nombreuses conditions doivent être réuni pour l’épanouissement des échanges. La paix, la confiance, le goût du partage, la solidarité, la tolérance, le sens de l’intérêt individuel et collectif notamment, sont autant de pratiques ou de conditions, indispensables au bon  fonctionnement des réseaux d’échange et à l’exubérance intellectuelle. Ces conditions ne sont pas naturelles, mais culturelles. Elles existent et se perpétuent par l’éducation et l’enseignement.
Dans l’ère sauvage, la morale de l’argent n’autorise aucun espoir d’efficacité dans la sauvegarde de la planète et de ses habitants.
Le rapport de force dans une idéologie qui donne le pouvoir à l’argent soumet l’activité humaine à la loi de l’accumulation de l’argent et non à celle de la protection de la vie. Encadré par cette loi et du fait de la concurrence, l’individu, quelles que soient sa fonction et sa situation dans l’échelle sociale ne dispose d’aucune marge pour se soustraire à ses exigences. Il contribue malgré lui et avec toute l’énergie de sa propre sauvegarde aux déséquilibres planétaires.
L’espèce humaine commencera à sortir de l’ère sauvage lorsque l’efficacité de l’éducation instaurera dans toutes les relations, quelle que soit leur nature, le rapport d’intérêt et conduira à considérer toute forme de violence comme une trahison contre l’espèce. L’intériorisation de la violence en tant que tabou contribuera à modifier profondément le fonctionnement des sociétés et ouvrira les portes, aujourd’hui fermées, qui donnent sur les jardins de l’espérance. Si elle réussit à sortir à temps de l’ère sauvage, l’humanité pourra espérer vivre un fabuleux destin.



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