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MORALE DE L’ARGENT
OU
MORALE DE LA VIE
Fragment d’une philosophie de la durée
Avant-propos
La conception subjective de la morale est certainement une dérive de la pensée moderne dont les conséquences risquent d’être
plus graves que celles des nuisances écologiques. Cette conception, propre à une pensée unique largement répandu en occident, interdit l’enseignement de la morale dans les institutions publiques.
L’éducation abandonnée à l’initiative des familles et des institutions religieuses relève souvent d’un obscurantisme inquiétant ou encore d’un empirisme affligeant de traditions qui se délitent
progressivement.
Dans cet essai, nous tenterons de convaincre que la morale est suffisamment rationnelle pour être considéré comme une véritable
science sociale et que sa transmission est d’autant plus importante qu’elle fonde la société et garantit son avenir.
1 – LA MORALE DE LA VIE
Les éthiques.
Le bien et le mal sont des notions caractérisées pour de nombreux philosophes par leur subjectivité. Nous allons voir que cette
conception naît de l’ignorance de l’origine du bien et du mal.
Dans la vie quotidienne, d’une façon générale et en dehors du champ de la morale, un comportement est apprécié en fonction de sa
capacité à contribuer à la réussite d’un projet. Quand une mère dit à son fils chômeur, que ce n’est pas bien de rester au lit et que ce serait mieux de se lever pour aller chercher du travail,
elle définit le bien et le mal en fonction d’un projet professionnel. La mère qui fait retirer les doigts du nez de son enfant alors qu’ils sont en public, considère que ce geste ne correspond
pas au modèle auquel elle souhaite faire ressembler son rejeton. Ce geste qu’elle considère vulgaire en public nuit à son projet éducatif. De même, au volant d’une voiture, on reconnaît qu’il est
mal de ne pas respecter le code de la route parce que cette infraction, par les risques qu’il fait courir aux usagers, nuit au projet de sécurité qui fonde ce code. Avec ces exemples, on voit
clairement que la notion de bien et de mal surgit implicitement à l’ébauche d’un projet. Dés la visualisation d’un projet, une frontière délimite l’espace de liberté de son auteur, séparant les
décisions efficaces des autres. Un projet limite la liberté de celui qui veut le réussir. Dans l’espace de liberté limitée par le projet, les décisions et les actes participent à la réussite du
projet. Au-delà, ils nuisent à sa réalisation. À l’intérieur de cet espace, la qualité des actes s’organise dans un système de règles et de valeurs que l’on appelle éthique.
On parlera ainsi de l’éthique bourgeoise, aristocratique, mafieuse …
Par exemple, quelle sera l’éthique du cavalier randonneur ? Elle se construit à partir de son projet. Le cavalier randonneur
souhaite préserver sa sécurité, celle de son cheval et profiter d’un droit de passage sur un large territoire.
Pour arriver à ses fins le cavalier limitera sa liberté par des règles de conduite précises dictées par leurs efficacités dont
voici quelques exemples :
« - Le randonneur doit respecter l'environnement et ne pas déranger la faune.
- Le randonneur doit respecter les lieux d'hébergement, il rapporte ses déchets et il ramasse le crottin de son ou ses chevaux
(endroits publics).
- Aucun animal domestique (chien, chat,…) ne fait partie d'une randonnée.
- Le randonneur doit en tout temps circuler dans les sentiers de façon sécuritaire, il ne harcèlera pas les animaux en pâturage,
en demeurant au pas.
- Le randonneur garde la droite lorsqu'il croise un autre randonneur.
- Le randonneur dépasse un autre randonneur par la gauche après l'avoir avisé.
- Le randonneur ne coupera pas de bois et ne fera aucun feu sans avoir obtenu la permission du propriétaire du terrain…
»
On voit bien dans cet exemple que ces règles sont inspirées par le désir de séduire les propriétaires dont le pouvoir
d’interdiction pourrait constituer un obstacle à l’exercice de ce sport. Les propriétaires ne verront aucun inconvénient à ouvrir leurs terres aux passages des randonneurs s’ils n’en
subissent aucun dommage. L’éthique du randonneur par l’application de ses règles réunit les meilleures conditions pour l’exercice de ce sport sur un large territoire.
Prenons un autre exemple complètement différent, celui de la mafia dont l’organisation très structurée est régie par des règles
strictes.
Le projet des chefs mafieux est d’infiltrer la société civile et ses institutions pour s’enrichir sans respecter les lois. Ce
projet nécessite une solide organisation pyramidale dont la pérennité et l’efficacité dépendent de l’obéissance des membres à la fameuse éthique mafieuse qui repose sur l’honneur dont voici
quelques règles :
L’obéissance à la hiérarchie.
Le respect de la parole donnée.
La loi du silence.
Le suicide ou l’exécution pour trahison.
Cet exemple suggère que le respect de l’éthique est indispensable à la réussite du projet dont il est issu, la puissance des
groupes mafieux en est la preuve. Il nous informe aussi que l’éthique est indépendante de la morale communément admise.
Si le bien et le mal se définissent par un projet, qu’elle sera alors le projet qui induira une éthique dont le statut sera
celui de la morale ?
L’ultime projet
Quand on analyse les multiples projets que l’on fait au cours d’une vie, il est possible de les organiser en une hiérarchie
pyramidale en fonction de leur dépendance les uns avec les autres. Les projets de loisirs seront ainsi situés sous la dépendance des projets professionnels car sans argent, point de loisirs.
Au-dessus de la profession, il y a la santé. Quand on est malade, on peut difficilement travailler. Au-dessus de la santé, il y a la vie, car sans elle, aucun projet n’est envisageable. La
volonté de vivre apparaît ainsi comme l’ultime projet dont vont dépendre tous les autres. Par cohérence, ceux-ci verront leur éthique assujettie à celle de l’éthique de l’ultime projet dont ils
adopteront les contraintes. Leur espace de liberté de chacune de ces éthiques s’organise un peu comme des poupées russe qui s’emboîtent les unes dans les autres. L’éthique de l’ultime projet par
son influence dominante sur toutes les autres éthiques endossera le statut de morale.
Les morales
L’étude des philosophies nous fait découvrir que l’homme n’a pas manqué d’imagination pour s’inventer un grand choix d’ultimes
projets sous l’impulsion des nombreuses religions et idéologies qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Celles-ci fondèrent une grande diversité de morales.
Le respect de la vie n’a pas toujours été, loin s’en faut l’ultime projet le plus répandu. Aujourd’hui encore, pour certains
Chrétiens, les règles d’accession au paradis ont la primauté sur celles qui maintiennent en vie. Leur morale invite au sacrifice de la vie en vue de réaliser l’ultime projet d’accéder au bonheur
éternel. Pour les islamistes intégristes, on retrouve le même schéma à la différence essentielle que leur dieu considère le meurtre d’un infidèle comme un trophée qui ouvre la porte d’un
paradis plein de vierges disponibles. Dans l’idéologie nationaliste, c’est la nation qui représente l’ultime projet pour lequel on doit se sacrifier.
L’homme a inventé toutes sortes de morales et sa liberté devrait toutes les légitimer. Toutefois, la dépendance des projets par
rapport à l’existence de son auteur nous contraint logiquement à leur interdire l’obtention du statut d’ultime projet. Lorsqu’une morale n’a pas pour ultime projet de préserver la vie
individuelle et les descendants et qu’elle met en danger l’espèce humaine, elle anéanti tout espoir de projet faute d’humanité. Cette morale contient en elle-même sa propre fin. La pérennité de
l’espèce humaine serait ainsi l’ultime frontière s’opposant à la liberté invoquée comme argument pour justifier des systèmes de valeur nuisible à la vie.
La finalité biologique
La pérennité de l’espèce humaine et la protection de ses membres ont une origine biologique. L’observation de la biosphère
confirme qu’un sens de la nature vivante peut être détecté aussi bien dans son histoire que dans son fonctionnement. Pour comprendre le sens de la biologie, redécouvrons l’histoire de son
apparition.
Après le big-bang, les scientifiques décrivent un espace envahi par une énergie considérable à l’origine de particules
éphémères. Dans cette agitation initiale, les rencontres ont produit des associations aux propriétés nouvelles. Le mouvement aléatoire de ses particules a provoqué des échanges qui ont
généré la permanence par la création d'objets aux propriétés durables. La loi primitive de la sélection naturelle par la durée a fait émerger dans ce monde éphémère, grâce à des rencontres et des
échanges ponctuels, des objets durables et divers comme les atomes, les molécules puis les minéraux.
Après des milliards d’années de mouvements, la complexité des associations a atteint un niveau tel qu’elle engendrait une
matière aux propriétés totalement nouvelles : la matière vivante. Son apparition fit évoluer la loi de la sélection naturelle. À l’origine, seule la stabilité était le critère de sélection
pour durer. Dans la biosphère, à la stabilité, la sélection naturelle ajoute une nouvelle condition de l’existence, celle de l’adaptation. Par le jeu de la sélection naturelle, seuls les
individus adaptables survivent et transmettent aux générations suivantes, les caractéristiques génétiques qui les ont préservées. Dans la biosphère, l’adaptation est la condition de la durée.
Mais, à la différence des minéraux, pour lesquels la durée est seulement la condition de l’existence, dans la biosphère, elle devient une finalité. La finalité de la vie est de durer autant qu’il
est possible et de se pérenniser. Il suffit d’observer l’organisation biologique des êtres vivant pour constater qu’ils sont dotés d’un ensemble de moyens physiques, chimiques et énergétiques
propres non seulement à assurer leur survie mais aussi à défendre coûte que coûte leur existence. Leur réaction face au danger confirme la réalité d’une pulsion de vie qui les pousse à vivre.
Même si elle est programmée pour mourir un jour, la vie veut vivre pour nulle autre raison que de faire durer son existence dans son intégrité. La finalité de la biologie est de faire durer les
organismes vivants.
Nature et culture
La pulsion de vie est l’expression d’un héritage génétique, fruit des adaptations successives et transmis de génération en
génération. Dans cette histoire biologique, l’apparition du cerveau humain ne peut que s’inscrire en cohérence avec l’évolution naturelle. Sa fonction serait donc de contribuer à pérenniser
l’espèce humaine.
Mais cet organe unique dans la biosphère, par sa spécificité fonctionnelle apporte une nouvelle rupture dans l’évolution. Par sa
puissance du traitement de l’information et de l’autonomie qu’elle donne à l’homme, il affranchit l’homme de la sélection naturelle. L’environnement a cessé d’être pour son espèce un facteur de
sélection déterminant. Le pouvoir de la culture se substitue à celui de la sélection naturelle. Grâce à la maîtrise des sciences, les déficiences naturelles et les blessures accidentelles ne sont
plus des facteurs de sélection.
Toutefois, la pérennité de cette espèce n’en est pas pour autant garantie. Soumise à la loi fondamentale de l’adaptation, à
l’instar de tous les membres de la biosphère, l’espèce humaine n’échappe pas à sa rigueur. Sa survie dépend de sa capacité à s’adapter. Sans adaptation et sans leur transmission, l’espèce humaine
serait condamnée.
L’instinct de survie à travers la liberté s’est manifesté par une volonté d’expérimentation et d’invention qui a dissocié les
ultimes projets humains de la finalité biologique. Ainsi, au fil de l’histoire, se sont créé des systèmes de valeur concurrents qui ont évolué et se sont transmis de génération en génération. À
la place de la vie, ils ont protégé des groupes, des chefs, des dieux, des territoires, des nations. Ces systèmes inventés et transmis jouent le rôle de l’adaptation biologique et de la
transmission génétique, mais sur une échelle de temps très courte. Ils sont le fruit d’un effort pour survivre face aux évolutions démographiques, techniques et aux connaissances acquises à un
moment et un endroit donné. Ces systèmes de valeurs ont créé des morales à l’origine des cultures, des civilisations et d’empires qui ont été la proie, elle-même, d’une impitoyable sélection. La
loi naturelle de la durée a éliminé les sociétés les plus fragiles, celles dont les attributs et les valeurs garantissaient le moins leur pérennité face à un environnement hostile.
Le choix volontaire de d’un ultime projet visant la protection de l’humanité dans la durée serait la décision fondatrice d’une
civilisation durable.
Reconnaissance et appartenance
L’instinct de survie anime chaque individu. Le désir de vivre, à l’origine, est proprement individualiste. La sélection
naturelle a socialisé cet instinct en préservant les individus qui ont su instaurer une sécurité réciproque à l’intérieur de leur groupe. La meilleure protection de chacun fut un
facteur sélectif déterminant.
La socialisation de la morale résulte d’une évolution ancestrale. Son point de départ est la capacité du cerveau à communiquer.
Cet avantage sélectif a permis la socialisation des hommes par les profits qu’ils ont tirés de la vie collective : amélioration de la sécurité face à l’adversité, protection des faibles, partage
des tâches, spécialisation des compétences, relations sexuelles facilitées...
La vie collective fit ainsi évoluer la morale individualiste vers une morale sociale. La supériorité protectrice de la vie en
société a été un facteur sélectif des individus plus aptes à vivre en groupe. Ces individus étaient plus sociables parce que les devoirs et les obligations envers le groupe leur demandaient moins
d’effort. Pour certains, elles leur procuraient même du plaisir. Cet avantage protecteur a pu, par la sélection naturelle de ces individus plus sociaux, favoriser une évolution biologique dans le
cerveau. En répondant à un besoin ou à un plaisir d’un congénère, l’individu crée la possibilité d’une réciprocité. La perception de l’altruisme par les autres membres suscite leur reconnaissance
ce qui renforce le sentiment d’appartenance. Or, cette appartenance est tellement vitale pour l’individu qu’il est prêt à en payer le prix. Un individu social rejeté hors du groupe, est condamné
à la solitude face au plaisir et au danger. Les nuisances envers le groupe comme la trahison et les mensonges font prendre à leur auteur le risque du rejet. La sélection naturelle a fait évoluer
les cerveau si bien qu’aujourd’hui, l’idée de l’exclusion stimule une de ses régions qui fait éprouver un sentiment d’angoisse insupportable. Ces régions spécialisées dans la production
d’émotions qui concourt à la vie sociale ont été mises en évidence par les scientifiques.
Une prédisposition génétique existerait donc dans le cerveau pour que la préservation de la vie individuelle se réalise dans un
contrat social de solidarité et de réciprocité. La morale de la vie ne serait en fait que la rationalisation de règles culturelles inspirées par la biologie dans un projet de
conservation.
Les échanges biologiques
Protéger la vie humaine est l’ultime projet qui crée la morale de la vie. Ce désir de protection plonge ses racines dans la
biologie. Examinons la vie biologique pour mieux comprendre ce que peut signifier la protection de la vie.
On a vu précédemment que l’existence (ou la durée) était le résultat du mouvement initial qui a contraint les premiers matériaux
à se rencontrer et à former des associations dont la stabilité a élargi la diversité des constituants de l’univers. Les scientifiques nous apprennent que ces associations ne sont pas de simples
rapprochements hasardeux. Elles sont le produit d’échanges complexes. Des atomes différents se rencontrèrent, et parce qu’ils en réunissaient les conditions, s’échangèrent des électrons et
formèrent ainsi des molécules d’une grande stabilité. Après le big-bang, l’échange fut le mécanisme créatif qui construisit, du fait de la sélection des éléments durables, les constituants de
notre univers.
Avec l’apparition de la matière vivante, l’échange changea de statut. Du statut de créateur à l’action ponctuelle avec les
minéraux, il devint une condition de la durée de la vie biologique. Dans les cellules, les tissus, les organes et dans le corps entier, la vie est caractérisée par des échanges réguliers
électrochimiques, gazeux et solides. La vie d’un être vivant s’arrête dès que le métabolisme cesse ses activités d’échange. Après la mort, la vie biologique disparaît avec la dissolution
complète de la matière vivante en éléments minéraux.
Dans la biosphère, l’échange est la vie. Si la protection de la vie est le projet moral, alors l’échange sera au cœur de cette
protection.
Les échanges culturels
L’animal survit et s’adapte à son biotope grâce à son l’hérédité génétique. Dés sa naissance, il sait d’instinct comment se
débrouiller pour s’alimenter et se protéger. Il en va différemment des animaux supérieurs chez qui la programmation génétique ne prévoit pas tous les comportements nécessaires à la vie. Sans
apprentissage, ces animaux ont peu de chance de survivre. Parmi les mammifères, l’homme est celui dont la vie dépend entièrement de l’apprentissage.
L’apprentissage est un transfert d’information qui se perpétue tout au long de la vie. L’ensemble de ces informations et de
leurs œuvres constituent la culture. Si la culture est le produit des échanges matériels et immatériels entre les hommes, la morale sera la science des échanges en vue de préserver la vie humaine
et de pérenniser son espèce.
Les échanges sont des flux de sens opposés. En physique, les flux se définissent par le sens, la vitesse, la quantité, et leur
nature. La nature informationnelle des flux ajoute deux autres paramètres : la qualité et la diversité. Les flux des échanges dans la culture sont les vecteurs des qualités morales. Leurs
propriétés caractérisent leur fonction.
Le sens du flux définit sa direction entrante ou sortante. L’existence de ces deux directions est intrinsèque à l’échange. Dans
la culture, on donne et l’on reçoit. Le sens des flux participe à l’équité et s’adapte en fonction des nécessités protectrices.
La vitesse des flux correspond à la réactivité de la réponse à un besoin. Si vous avez besoin d’affection et qu’on vous comble
sans attendre, le spectre de la déprime s’éloigne et ses nuisances pour la santé avec lui.
La quantité des flux préserve de la pénurie. La disponibilité de la mère entoure son bébé de toutes ses attentions de sorte
qu’il ne manque de rien.
La diversité des flux apporte des réponses aux besoins les plus spécifiques. Les personnes cultivées, expérimentées ou
spécialisées sont en mesure d’apporter des réponses aussi inattendues qu’adaptées à l’entourage.
La qualité des flux correspond au niveau de protection de la vie. Ainsi, une mauvaise qualité d’information, parce qu’elle
serait fausse, ferait perdre du temps, de l’énergie et peut être de l’argent à celui qui la recevrait. L’échec qui en résulterait risquerait de produire des nuisances parfois graves pour la
santé. La qualité des échanges entre les hommes est fondamentale dans le projet moral. Elle se traduit en termes de santé et d’économie de moyen.
Grâce à ces fondamentaux nous allons pouvoir préciser les concepts de qualité morale et de vertu.
Les qualités morales
Lorsqu’un échange contribue au succès d’un projet, on attribue son efficacité à sa qualité. On appellera qualité morale, une
qualité qui participe à la réussite de l’ultime projet.
Voici quelques exemples :
L’humilité fait passer le contenu de l’échange avant la personnalité de l’auteur. Elle améliore l’efficacité de
l’échange.
L’espérance ou la foi stimule l’échange qui contribue à réaliser son objet. Elle fait aller de l’avant et multiplie les échanges
qui durent tant qu’elle est vive.
Le sens des responsabilités suscite la confiance en retour. Il attire les partenaires et avec eux les occasions
d’échange.
La confiance entre les hommes crée les conditions pour que leurs échanges soient productifs.
La confiance en la nature, génère une sérénité qui crée les conditions pour que les échanges internes biologiques et mentaux se
réalisent en pleine harmonie avec la pulsion de vie.
La tolérance est le sacrifice d’une portion de liberté au profit d’un ignorant. Elle lui donne l’opportunité après un rappel des
règles, de vérifier par l’expérimentation les inconvénients de l’erreur. La tolérance est un outil pédagogique qui participe à l’amélioration de la qualité des échanges.
La compassion est une sensibilité aiguisée qui invite à partager les maux d’autrui ressentis comme s’ils étaient les nôtres.
Cette émotion facilite un échange adapté pour soulager. Ce soulagement a pour conséquence d’améliorer la capacité d’échange de la personne en difficulté pour un profit partagé.
L’abnégation est un don de soi en faveur d’un projet. Elle permet des échanges soutenus et puissants.
La curiosité renouvelle la source des échanges.
Cette liste n’est pas exhaustive. Elle nous fait comprendre combien la qualité des échanges est essentielle à l’efficacité des
actions entreprises pour le projet moral.
Les vertus morales
La vertu est une qualité morale qui a pour effet de pérenniser l’échange. Sa fonction la situe au sommet des qualités morales.
Elle prime sur toutes les autres. En effet, sans échange, les qualités morales n’ont aucun pouvoir. Or c’est précisément la fonction de la vertu que de protéger les échanges et de contribuer à
les pérenniser.
Ainsi :
Le courage donne l’énergie pour affronter les difficultés qui s’opposent à un échange.
La justice veille à l’équité des échanges sans laquelle leur pérennité est compromise. Leur déséquilibre fait naître un
ressentiment dangereux envers le profiteur. Le partenaire lésé finit par précipiter la fin des échanges.
La prudence évite les comportements dont les conséquences malheureuses mettraient fin aux échanges.
La tempérance veille à l’équilibre entre le temps et l’énergie à dépenser pour les plaisirs et ceux qui sont à consacrer aux
efforts quotidiens qu’exigent souvent le travail et les responsabilités. Elle maintient une bonne santé physique et mentale et contribue à la sécurité financière, sans lesquelles les échanges de
qualité et en quantité ne peuvent exister dans la durée.
Le sens moral
Le sens moral permet de choisir les meilleures actions et comportements pour rester dans le projet moral.
Il y a deux niveau au sens moral. Le sens moral profond qui se manifeste par la honte ressentie par son propre regard
devant un acte perçu comme immoral et le sens moral superficiel dont la honte n’est suscitée que par le regard des autres.
Avec le sens moral superficiel, un comportement moral n’implique pas forcément chez son auteur, l’existence d’un véritable sens
moral. Il peut dissimuler derrière toutes les bonnes apparences une personne potentiellement dangereuse. Il suffit que l’autorité passe entre les mains de criminels, comme ce fut le cas avec les
nazis pour que les pires exactions deviennent acceptables par les personnes dont le sens moral est déterminé par le regard majoritaire. À l’abri d’un consensus ignoble, elles se sentent libres de
se livrer aux pires exactions. Les génocidaires, les délateurs, les bourreaux, les tortionnaires appartiennent à cette famille d’être humain, brave dans une société normale, mais potentiellement
dangereuse. Bien qu’ils affichent l’image de paisibles pères ou mères de familles, ils sont capables de se transformer en pires ennemis de leur propre espèce, si on les y autorise. Faute d’avoir
intégré au plus profond d’eux-mêmes, le sens moral que seule une éducation bien conduite peut donner, ils ignorent qu’ils sont complices ou acteurs de la trahison la plus grave. Leur propre
regard, conforme au regard majoritaire, entame leur autonomie et les contraint à des comportements moutonniers.
L’apparence morale peut aussi être trompeur pour une autre raison.
Il est possible de rencontrer des personnes vertueuses aux comportements présentant de véritables qualités morales et de
découvrir plus tard qu’elles étaient malgré tout totalement nuisibles.
La considération que peut susciter ce genre d’individu est le résultat d’une méprise. Leurs comportements moraux exemplaires
suggèrent qu’ils soient définis par un projet moral tout aussi exemplaire. La confusion entre la valeur des qualités morales et celle du sens moral est malheureusement courante. On oublie trop
souvent qu’une qualité morale n’a d’autres fonctions que la réussite d’un projet, quel qu’il soit. Leur efficacité est indépendante du projet pour lequel elles sont mises en œuvre. Cette
efficacité est à l’origine de la puissance de certaines sociétés secrètes mafieuses. Un grand escroc séduit par de réelles qualités morales. Gentil, respectueux, serviable, honnête (avec les
amis), il trompe son monde avec des qualités morales qui servent un projet discret beaucoup moins honorable.
Pour éviter toute confusion, notre intérêt est de tenter d’identifier l’ultime projet d’une personne physique ou morale
afin de ne pas se laisser berner par des comportements vertueux. L’oubli du rôle de l’ultime projet faire perdre aux comportements leur sens. Cette perte de sens est certainement la déficience la
plus grave de nos cultures contemporaines. Elle explique les difficultés de nos sociétés. Les citoyens à la dérive présentent de moins en moins les qualités requises pour leur bon fonctionnement.
L’intérêt des sociétés est d’initier très tôt les enfants à la science morale. L’acquisition d’un sens moral profond est une garanti contre les dérives idéologiques. Seule une initiation dés le
plus jeune age peut graver au plus profond de chacun, le respect de la vie. Une éducation et un enseignement appropriés sont une exigence incontournable pour des sociétés pacifiques et
adaptatives.
Une société qui oublie le sens de son existence se vautre dans l’incohérence et le désordre. La difficulté pour gouverner une
telle société contraint les responsables politiques à prendre des décisions qui conduisent vers une société policière. Celle-ci glisse d’une façon irréversible vers le déclin comme un véhicule
sans direction dérive vers un destin tragique.
Valeurs morales et fanatisme
La valeur morale d’une décision est déterminée par ses conséquences et celles-ci s’apprécient en fonction du projet moral. Elle
est une évaluation de l’efficacité d’une parole, d’un acte ou d’un comportement favorable au projet moral.
Cette définition a pour conséquence de relativiser les principes moraux. Ces principes sont généralement regroupés dans des
listes enseignées au sein des religions. L’oubli de leur sens donne à ces principes la force d’une loi et leur application s’impose alors quelles que soient leurs conséquences. La perte du sens
est certainement l’une des origines du fanatisme.
La morale de la vie se définit clairement par son projet et non par ses principes. Ceux-ci n’ont qu’un rôle d’assistance
pratique dans la vie quotidienne. Leur valeur repose sur une donnée statistique. Ces principes sont majoritairement bons dans la plupart des situations de la vie quotidienne. Toutefois, dans des
situations particulières, le respect d’une valeur morale peut entraîner des conséquences nuisibles. Ainsi, la vérité affirmée, bien que reconnue comme une valeur essentielle, perd sa qualité
morale lorsque, livrée à un ennemi, elle est utilisée contre l’intérêt ou pire, contre la vie d’innocents.
Les qualités morales sont opportunistes. Leur valeur dépend non pas de leurs désignations, mais de leurs effets opportuns
conformes au fondement de la morale.
Le fanatisme est un comportement aveugle qui privilégie la forme sur le fond. Le fanatique oublie le projet de la morale pour ne
s’intéresser qu’aux principes. Il trahit l’espèce humaine qui, pour se protéger, est contrainte de le condamner à l’exclusion.
La communauté d’échange
La cohésion d’un groupe est scellée par l’objectif commun à ses membres. L’ultime finalité de leurs activités crée un ensemble
de valeurs cohérentes dont l’adhésion de chacun d’eux contribue efficacement à la réussite du projet.
Dans les sociétés primitives, les hommes étaient essentiellement préoccupés par la survie. Ils unissaient leurs efforts pour
pérenniser leur groupe. Les qualités des comportements, dans leurs activités quotidiennes, essentiellement nourricières, créaient un système de valeur morale dont ils n’avaient pas forcément
conscience. Mais l’efficacité des comportements moraux était perçue et certainement encouragée par le groupe à cause du profit concret qui bénéficiait à chacun. L’effort pour être plus rapide,
furtif, rusé, courageux, persévérant, solidaire, devait être, s’il était produit pour servir la cause commune, apprécié et admiré comme cela a toujours été le cas pour ses conséquences
protectrices. La survie d’un groupe, sa sécurité et son confort sont mieux assurés par la cohérence des valeurs morales définies par le projet commun. Cette cohérence crée les meilleures
conditions pour des échanges efficaces.
En revanche, au sein d’une même société, la co-existence de populations aux morales spécifiques, du fait de leurs divergences
d’intérêts, crée des dissensions en proportion des divergences.
La paix et l’efficacité au sein des sociétés reposent sur la cohérence des valeurs définies par le projet commun.
Europe et communauté d’échange
Plusieurs pays d’Europe se sont associés pour former une communauté d’échange par la création d’un marché unique où les biens et
les personnes circulent librement. Cette réussite exceptionnelle dans l’histoire des hommes voit ses limites atteintes aujourd’hui.
Le projet marchand Européen exclut la dimension politique de son existence. En l’absence d’un projet politique commun en accord
avec la morale de la vie, les décisions, faute d’être façonnées par une conscience Européenne, expriment surtout les intérêts nationaux. Cette absence de conscience communautaire renforce les
égoïsmes nationaux. Elle affaiblit la capacité d’adaptation à un monde en mouvement ainsi que l’autorité de l’Europe dans les instances internationales.
Pour créer un sentiment d’appartenance partagé par tous les Européens afin de répondre aux défis de la violence, de la pauvreté
et de la pollution, un enseignement moral commun devrait être institué.
Si l’on veut que l’Europe devienne une communauté vivante, c’est-à-dire adaptable, elle devra apprendre aux petits Européens
qu’ils sont les futurs acteurs d’un projet vital pour eux et l’humanité. L’éducation généralisée de la morale de la vie garantirait la cohérence du projet Européen et générerait un système de
valeur propre à assurer l’efficacité de l’Europe dans sa volonté de protéger ses habitants ainsi que l’humanité.